"Je suis un homme heureux. Aujourd'hui j'ai un métier, trois enfants et des papiers ! Ce matin-là, je ne sais pas pourquoi, je me suis remis en route, tout simplement et d'un seul coup. Peut-être que je n'avais plus d'autres choix qu'entre vivre et me laisser dégringoler.
Je crois aussi que tout au fond de moi, j'ai laissé tomber le souci de savoir qui j'étais, avec mon nom, mes ancêtres, tout ça. D'ailleurs, c'est juste après cela que je me suis orienté sérieusement vers le bouddhisme.
J'ai lu dans un texte qu'exister consistait en vérité à savoir rester assis calmement, se lever calmement, agir calmement. Être dans l'attention permanente de l'instant, servir les autres, c'était cela être soi et rien d'autre. J'ai lu un poème de Thich Nhat Hanh qui disait à peu près : "Je ne cesse de naître, je nais à chaque seconde, je suis l'enfant... je suis l'oiseau... je suis cet homme, cet autre, cette femme...". Ca m'a beaucoup parlé. Je crois avoir approché ce que c'est qu'exister sans être défini par quelque chose qui s'appelle une identité. Je crois avoir compris la différence entre mon nom et moi."
"
Appelez-moi par mes vrais noms
Ne dites pas que
je pars demain, car j'arrive encore aujourd'hui.
Regardez bien : j'arrive
à chaque seconde pour être un bourgeon sur la branche au printemps, pour
être un petit oiseau aux ailes encore fragiles, qui apprend à chanter dans
un nouveau nid, pour être une chenille au cœur d'une fleur, pour être un
joyau qui se cache dans la pierre.
J'arrive encore,
pour rire et pleurer, pour avoir peur et espérer, le rythme de mon cœur est
la naissance et la mort de tout ce qui vit.
Je suis
l'éphémère qui se métamorphose à la surface de la rivière, et je suis
l'oiseau qui, lorsque vient le printemps, arrive à temps pour gober
l'éphémère.
Je suis une
grenouille nageant gaiement dans l'eau claire de l'étang, et je suis la
couleuvre qui s'approche en silence pour se nourrir de la grenouille.
Je suis l'enfant
ougandais, tout en peau et en os, mes jambes sont aussi minces que des
tiges de bambou, et je suis le marchand d'armes qui vend ses armes de mort
à l'Ouganda.
Je suis la
fillette de douze ans, réfugiée sur une frêle embarcation, et qui se jette
à la mer après avoir été violée par un pirate, et je suis ce pirate, mon
cœur ne pouvant pas encore voir et aimer.
Je suis un membre
du bureau politique, et j'ai le pouvoir entre mes mains, et je suis l'homme
qui doit payer sa dette de sang à son peuple et qui se meurt lentement dans
un camp de travaux forcés.
Ma joie est comme
le printemps, si chaude qu'elle fait éclore les fleurs dans tous les
chemins de la vie. Ma peine est comme un fleuve de larmes, si pleine
qu'elle emplit les quatre océans.
Appelez-moi par
mes vrais noms, afin que je puisse m'éveiller, et que les portes de mon
cœur puissent s'ouvrir, les portes de la compassion.
http://vipassanasangha.free.fr/poeme_tnh.htm
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